Lors du Paris Games Week 2018, Johannes Pfeifer, Senior Content Designer sur Tropico 6 nous a accordé une longue entrevue. Où l’on en apprend beaucoup plus sur la politique rendue amusante en jeu vidéo et les nouveautés d’un titre très attendu par les joueurs.
Pour les non-anglophones, nous avons retranscrit l’intégralité de l’interview et des explications de Johannes Pfeifer en français ci-dessous :
Au fond, le jeu Tropico est un bon vieux City Builder qui permet d’incarner « El Presidente », le dirigeant de Tropico. Il s’agit de gouverner du palais. Il est possible de choisir l’endroit où sera implanté le palais et il est aussi possible de le customiser. On peut lui donner toutes sortes de formes, même irrégulières, toutes sortes de couleurs. Il revient au joueur de s’exprimer comme il l’entend à travers cette option.
En tant qu’El Presidente il faudra rester au pouvoir et gagner de l’argent, mais la manière de faire dépendra des joueurs et de leur créativité en fonction des opportunités et challenges apportés par le titre. L’une des nouveautés est que l’on évoluera sur un ensemble d’archipels : une grande île ou plusieurs petites, par exemple.
Les infrastructures telles les téléphériques, tunnels, ponts et bateaux prennent une plus grande importance. Quand on construit une ville comme celle-ci, cela revient à en gérer ses habitants. Il est possible de les suivre, et leur comportement est simulé du début à la fin. Ils ont différents besoins : un toit, un travail pas trop loin du foyer afin de les rendre heureux et qu’ils votent à nouveau pour vous. Ils ont une utilité politique.
Dans Tropico, il y a différentes factions qu’il faut rendre heureuses. Elles ont parfois des demandes ridicules, comme construire des cirques. Du coup on en construit 5 ! Cela peut faire sens comme être totalement absurde pour certaines personnes. Il revient au joueur d’être un dirigeant plein de bonté ou sans pitié, qui impose la loi martiale et crée des colonies, envoie tout le monde en prison et force les gens à voter pour lui.
L’idée, c’est d’offrir des opportunités au joueur.
Il y a aussi les forces d’autres pays, comme un bloc de l’Est ou des pays occidentaux du temps de la guerre froide. Il y a différentes époques : les 4 de Tropico 5 (coloniale, Guerre Mondiale, Guerre Froide et l’époque moderne). Chaque époque a une super puissance qu’il faut gérer. Ces époques débloquent des mécanismes pour les bâtiments, comme l’industrie, par exemple. Il n’y a pas d’étape de recherche pour ces options. La « recherche » ne concerne que la partie gouvernement (Constitution, etc…)
Ici nous nous déplaçons sur une autre île où les gens vivent dans des cabanes. Il faudrait leur construire des résidences, en fonction de leurs revenus : grandes, petites ou luxueuses… Il y a du travail dans les ranchs. Ce sont des ranchs de lamas où on produit de la laine qui est transportée ici dans notre usine textile. La fumée qui sort indique la présence de quelqu’un. Du personnel est toujours nécessaire pour faire tourner une usine. Vous pouvez vérifier ce qu’ils font : cette personne va à l’église, on peut la suivre, accélérer le temps, la voir prendre le petit bateau car l’église est de l’autre côté de l’île.Les trajets leur prennent du temps au cours duquel ils ne peuvent pas travailler, ce qui doit être optimisé.
Les docks sont le cœur de l’économie : ils gèrent l’immigration et l’import-export. Même map, mais dans les temps modernes, où on peut voir beaucoup plus de bâtiments, plus modernes, et où il y a plus de cash-flow. Du point de départ on s’est étendu et l’électricité devrait circuler à nouveau. Il y a des gratte-ciels modernes, ainsi que ce célèbre monument !
Ce qui m’amène au point suivant : les raids et les vols. Pour la première fois il est possible d’aller au-delà des frontières de Tropico et de voler des monuments. On peut envoyer des aventuriers dans les temps coloniaux ou des pirates afin de récupérer du sucre, ou des gens, par exemple. Cela permet parfois d’augmenter le rang d’El Presidente et a d’intéressantes conséquences en gameplay. Afin de récupérer la Tour Eiffel, il faut remplir certains critères : avoir un certain rang, assez d’argent et capter l’attention des français : ils aiment la cuisine, il faut donc produire beaucoup de bon fromage et aussi des cigares afin de détourner leur attention et de voler la Tour Eiffel.
Les élections sont de la partie, comme dans Tropico 4 et il est possible de s’adresser aux électeurs indécis en les faisant pencher en notre faveur avec des promesses. Les électeurs s’en souviennent, d’ailleurs. El Presidente fait alors un discours au balcon de son palais et les passants peuvent s’arrêter pour l’écouter.
Passons à une partie plus intéressante, liée à cette map et à son histoire. Dans cette mission il s’agit de faire du chocolat, comme dans Charlie et la Chocolaterie. Voici ce qu’il est possible de faire dans la chocolaterie. Une option a été implémentée, permettant de reproduire du chocolat noir sans sucre quand normalement il faudrait du cacao et du sucre pour ce faire. C’est pratique en fonction de l’endroit où pousse le sucre, sur cette carte (en vert) et le cacao (ici) il peut y avoir beaucoup de logistique à mettre en place. Il est alors possible de récupérer ce sucre pour l’injecter dans une entreprise pharmaceutique, par exemple. Normalement j’utilise de l’huile pour mes produits pharmaceutiques, mais si je lance une recherche, il m’est possible de lancer des placebos puissants qui sont en fait du sucre en pilules, vendues comme produits pharmaceutiques. C’est une autre option permettant de diriger en mode « sans pitié » ! Le joueur a la possibilité d’essayer de multiples combinaisons. Il y a également possibilité d’upgrade. Dans les centrales énergétiques, il est possible de créer de l’énergie avec de l’huile et non plus du charbon.
Je voudrais vous montrer une autre map, apportant de la variété et quelques challenges customisés, qui peuvent apparaître dans certaines missions. Je peux choisir une mission parmi 15. Elles sont mises en place de manière non-linéaire, c’est-à-dire qu’il est possible d’en commencer une et d’atteindre le « grand finale » du jeu sans avoir fait toutes les missions. Elles s’étalent sur les quatre époques, et on choisit les missions que l’on veut jouer au fur et à mesure. Toutes ces missions sont des souvenirs du passé – elles auraient pu avoir lieu. Souvenez-vous, à cette époque, nous avions ces missions à accomplir, en quelque sorte. Il y avait un challenge sur une grande île où il n’y avait pas la possibilité de construire de maisons mais seulement des barraquements. Pas de maisons ou de gratte-ciels mais une nécessité de garder sa population heureuse. Dans les menus, il est possible de gérer la constitution, le droit de vote (qui peut voter : tout le monde, seulement les riches, etc.). Il est possible de choisir si l’on veut implémenter une force militaire ou avoir un état pacifique, si l’on veut des écoles et lycées et il est possible de lancer des recherches concernant les autres options, comme le commerce, la sécurité, les droits de chacun, donc gérer la partie comme on le souhaite.
Accélérons le temps à présent sur cette map : vous pouvez voir les plantations. Avec les plantations, je voudrais vous parler de l’effet synergie entre bâtiments. On peut avoir une plantation pour le sucre, fonctionnant à 100%. Cette map est assez grande et permet d’y intégrer beaucoup de plantations. Pour les plantations d’ananas, j’ai acheté un upgrade qui donne un bonus à chacune des plantations adjacentes, ce qui démultiplie l’efficacité de ces plantations. D’autant que des ranchs sont de la partie, ranchs qui apportent également des bonus.
Il est possible de placer des plantations dans un espace plus limité, les unes à côté des autres, et de se placer en mode multiculture plutôt que monoculture. Ainsi, toutes les plantations différentes s’apportent mutuellement des bonus. On perd en fertilité puisqu’on n’a que des petites plantations, mais on reste efficient grâce aux bonus et le sol ne se détériore pas ! C’est un peu compliqué mais c’est ce à quoi les gens s’amusent sur la beta, en cherchant différentes manières de gérer les plantations. C’est une façon de plus de souligner le nombre d’opportunités différentes qu’il y a dans le jeu.
Subbacultcha : Quelles sont les difficultés que l’on rencontre quand on veut rendre la politique amusante dans un jeu vidéo ?
C’est l’une des forces de Tropico !
Nous avons une approche satyrique, et nous moquons de la politique d’une certaine manière.
Bien sûr, il s’agit de gérer un peuple, mais on peut s’autoriser diverses options : régner de façon très sérieuse, ou atteindre un extrême comme l’était l’Australie il y a un siècle ou créer un paradis tropical.
Il y a quantité d’options à gérer concernant la constitution et la recherche.
C’est comme ça que l’on aborde la politique dans Tropico : ce n’est pas compliqué, c’est un city builder, et on peut impacter sur la façon dont les bâtiments et les factions réagissent à ces options.
Subbacultcha : C’est la première fois que Limbic fait un city builder…
Nous avons fait des jeux de stratégie avant ça, des hybrides, comme Heroes of Might & Magic 7, donc la stratégie fait que nous sommes en terrain connu. Nous avons également créé le moteur du jeu.
Kalypso nous a choisi car ils ont aimé notre projet et le respect de l’idée de base, comme des avis des joueurs et ajouter des touches sympa sans complètement repenser le jeu et il y a beaucoup de joueurs passionnés par la licence !
Tropico 6 est prévu pour janvier 2019 sur PC et à l’été 2019 sur Xbox One et PS4