Quelle annonce alléchante que celle des éditions Mangetsu nous apprenant qu’un nouveau manga retraçant le fascinant parcours de l’un des plus grands daimyos du Japon, j’ai nommé Oda Nobunaga, allait arriver jusqu’à nous. En outre, cette œuvre à l’histoire alléchante répondant au titre d’Ikusa no Ko – La Légende d’Oda Nobunaga, a été dessinée par le célèbre Testsuo Hara (Ken le Survivant) et écrite par Seibô Kitahara, son ancien responsable éditorial chez Shueisha. Les deux premiers volumes de cette série déjà finie en 20 tomes au Japon, nous ont-ils convaincus ?
Il y a tant à dire et à écrire sur Oda Nobunaga. Ce daimyo, connu pour avoir été l’un des trois unificateurs du Japon avec Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu qui lui ont succédé, s’est illustré en son temps (période Sengoku : milieu XVe – fin XVIe S) sur les champs de bataille en adoptant notamment une façon de combattre très moderne avec de longues lances et des armes à feu, comme on peut le voir dans le tome 2 du manga. Il est également un brillant homme d’affaires et a fait construire plusieurs châteaux somptueux. Cet homme exceptionnel qui a fait couler tant d’encre, est à la fois décrit comme quelqu’un de monstrueusement fort et violent et comme un génie incompris de ses contemporains. Ces deux points ne sont pas vraiment retranscrits dans le manga car si génie il est, Nobunaga est soutenu et plutôt compris par ses pairs, et c’est un gars bien ! Le personnage historique était visiblement un vrai garnement ayant fait honte aux siens par ses manières déplacées, comme à l’enterrement de son père Nobuhide durant lequel il aurait lancé de l’encens sur l’autel de celui-ci. Bien que le manga, à la fin du tome 2, n’en soit pas encore là, on a du mal à imaginer le jeune Kippôshi, alias Oda Nobunaga, manquer cruellement de respect à son paternel qui est si bienveillant avec lui. Notre héros est plus décrit comme un farceur attendrissant que comme un méprisable insolent. Par ailleurs, si l’histoire de ce grand daimyo vous intéresse et que vous voulez vous faire une image plus fidèle à la réalité, n’hésitez pas à regarder l’excellente série intitulée Le Temps des samouraïs sur Netflix. Ici, dans Ikusa no Ko, bien évidemment, la fiction l’emporte sur la précision historique. Ainsi, pour rendre leur manga le plus divertissant possible, les deux mangakas, ont choisi d’exagérer certains traits du personnage ou au contraire de lisser un peu sa réputation de « méchant » pour que le lecteur s’attache à celui-ci plus facilement. Aussi Kippôshi est-il décrit comme un enfant turbulent, amusant ses pairs qui le laissent volontairement faire ses bêtises. Il faut dire que son mentor Hirate pense que plus notre héros semblera idiot, moins les ennemis des provinces alentours se méfieront de lui. Si Kippôshi se comporte mal, ce n’est donc pas parce qu’il est mal-élevé ou colérique, mais en raison d’un choix stratégique venu de plus haut. Cette justification, crédible ou non, permet en tout cas de comprendre ce personnage en apparence irresponsable.

Dans Ikusa no Ko, nous suivons donc Oda Nobunaga, ou plutôt Kippôshi, alors qu’il est enfant. Le premier tome démarre sur la mort du daimyo avant un flash-back qui durera sans doute les vingt tomes durant ; le sous-titre du manga étant La Légende d’Oda Nobunaga, l’histoire ne devrait pas se poursuivre longuement après la mort de celui-ci. Les dessins de Tetsuo Hara, toujours aussi incroyablement beaux malgré ce que peut nous dire ce dernier sur le rabat de la couverture, apportent d’emblée une dimension épique à l’histoire. Le design de Kippôshi fait ressortir son air malin autant que son agilité. La place qu’il occupe dans les cases, malgré sa petite taille, lui confère une grande aura. Ainsi, la première aventure contée dans l’ensemble du tome 1, nous dépeint un personnage intelligent qui a plus d’un tour dans son sac. Capturé par des pirates, ce fin stratège parvient aisément à s’en sortir en gagnant au passage argent et compagnons. Il faut préciser qu’Oda Nobunaga était aussi connu pour s’entourer des personnes délaissées par la société, tels des rebuts. Il va faire ici d’un esclave et d’un Espagnol capturé par les pirates, ses bras droits. C’est d’ailleurs avec ce dernier que Seibô Kitahara justifie la connaissance et l’attrait pour les armes à feu d’Oda Nobunaga. Cela viendrait de cette rencontre avec l’Occident. Bon, c’est romancé car, à ma connaissance, s’il a bien existé un « afro-samouraï » en ces temps-là, ce n’est pas grâce à une rencontre particulière que le célèbre daimyo a fait la découverte des armes à feu. Celles-ci existaient déjà au Japon mais n’étaient que très peu utilisées.

Dans le tome 2 d’Ikusa no Ko, l’intrigue politique est davantage mise en avant et on comprend (parfois difficilement avec tous les noms propres !) que de multiples tensions existent entre les différents clans. Nobuhide, qui n’a pas l’air en grande forme, doit choisir un successeur entre ses deux fils et cela semble être une folie que de choisir l’enfant terrible Kippôchi pour ce rôle. Pourtant, c’est bien sur ce dernier que va se porter son choix. Capable de percevoir en lui son âme de stratège et charmé par son originalité, il voit en lui un parfait successeur qui pourra redorer son nom après l’échec cuisant qu’il a subi deux années auparavant. Qui plus est, comme nous l’avons dit précédemment, choisir Kippôchi, c’est un excellent moyen de baisser la vigilance de l’ennemi qui ne perçoit aucun danger chez cet enfant dont on s’amuse à conter les frasques rocambolesques. On a hâte de voir les visages décrépits des futurs adversaires de notre héros quand ils se rendront compte du guerrier talentueux qu’il est.
Ikusa no ko : La Légende d’Oda Nobunaga est donc une réussite. Le dessin somptueux de Testuo Hara apporte puissance et dynamisme à cette épopée passionnante. Si l’Histoire n’est pas toujours suivie fidèlement, les grandes lignes sont respectées et l’on sent bien que Seibô Kitahara a avant tout voulu écrire une histoire palpitante, avec des combats démesurés, des personnages charismatiques, des situations improbables et une bonne dose d’humour…et cela nous va parfaitement !
Les deux premiers tomes d’Ikusa no ko : La Légende d’Oda Nobunaga sont disponibles aux éditions Mangetsu depuis le 18 janvier 2023 au prix moyen de 8,95€ le volume.