Prévue en quatre tomes, cette réédition proposée par Revival du manga biographique Ikkyu, permet de remettre la main sur un classique du célèbre Hisashi Sakaguchi, édité une première fois par Glénat et une seconde fois par Vent d’ouest, qui était de nouveau devenu introuvable. Pour ceux qui seraient passés à côté, Revival, qui porte très bien son nom, s’était déjà lancé en fin d’année dernière dans la réédition  d’un autre chef d’œuvre de l’auteur : Fleurs de Pierre. Ces initiatives sont des plus plaisantes pour les lecteurs qui, comme moi, étaient passés à côté de pépites comme celles-là. De plus, l’édition de ce premier tome, en grand format avec un papier épais et une grosse couverture cartonnée vernie, est de qualité et rend l’ouvrage aussi plaisant à parcourir (malgré son poids) qu’agréable à contempler dans une bibliothèque. Cependant, cet objet de collection nous a-t-il apporté pleine satisfaction lors de sa lecture ?

Ikkyu c’est l’histoire d’un moine zen ayant réellement existé au XVe siècle, connu des Japonais pour avoir été « un petit garçon malin, intelligent et espiègle » nous précise la préface de ce premier tome. Nous suivons donc ici, sur plusieurs années, ce personnage, fils illégitime de l’empereur Gokomatsu, confié par sa mère à un temple bouddhique pour le protéger des agitations politiques. Tout jeune garçon, il va devoir se construire loin de ses proches et apprendre à cohabiter avec d’autres bonzes dont certains à l’esprit pervers qui vont chercher à abuser de lui. La vie n’est pas tendre avec le jeune Ikkyu mais face à l’adversité, celui-ci fait preuve d’esprit et de beaucoup d’humour. Il n’hésite pas à se moquer de ses enseignants et à leur jouer des tours en faisant toujours preuve d’une telle répartie qu’il ne se fait pas punir. Très jeune, il se dévoile ainsi être particulièrement intelligent et va trouver du plaisir à s’instruire de plus en plus jusqu’à se démarquer de ses camarades par ses connaissances très pointues sur la religion zen. Aussi Ikkyu nous offre-t-il une véritable entrée dans le monde bouddhique et se montre très instructif. Les dessins que l’on apprécie d’autant plus avec le grand format de l’œuvre, nous plongent complètement dans cette période et sont des plus efficaces. Il faut dire que Sakaguchi est doué pour mélanger habilement des dessins très cartoonesques avec des fresques très réalistes.

Ainsi, la première moitié du manga se lit plutôt vite et est assez légère. L’humour est très présent et on s’amuse des frasques du jeune bonze. Cependant, le ton se durcit un peu au fur et à mesure que le temps passe et le manga devient plus sérieux, moins amusant. En outre, les nombreux détails sur le système politique en place et la religion zen complexifient la lecture et la rendent moins fluide. Soit cette période vous intéresse vraiment et vous prendrez alors le temps de creuser, de faire des recherches, au risque de vous couper régulièrement dans votre lecture, soit vous passerez à côté de nombreuses subtilités historiques. Si cela ne nous empêche pas de suivre l’histoire d’Ikkyu et de nous intéresser à son développement personnel, l’on sent tout de même bien que certaines choses nous échappent et cela rend notre lecture moins agréable. Heureusement, dans le dernier tiers de l’œuvre, un personnage en apparence léger mais d’une grande profondeur, vient faire renaître notre engouement en même temps que l’auteur renoue un peu avec l’humour du début. 

Ikkyu est donc un manga très intéressant, dessiné avec beaucoup de talent, qui nous plonge dans le monde bouddhique à travers un personnage aussi atypique que sympathique. Si la précision historique de l’œuvre et les nombreux noms propres pourront en rebuter certains, l’histoire n’en reste pas moins très plaisante à parcourir. On s’attache vite au personnage d’Ikkyu et on a envie de le suivre encore.

Ikkyu est disponible aux éditions Revival depuis le 15 février 2023 au prix conseillé de 29€.