La musique, ancrée dans les moeurs humaines depuis la nuit des temps, s’adapte parfaitement au concept de jeu en général, et au vidéoludisme en particulier, et ce depuis l’avènement des premiers jeux électroniques. Les activités musicales, qu’elles soient de l’ordre de la conception ou qu’elles satisfassent simplement les mélomanes sont vieilles comme le monde. Les activités ludiques, elles, parsèment la vie du plus jeune âge à la maison de retraite, des jouets Playskool aux parties de dominos… Jaron Lanier, créateur de la réalité virtuelle, est d’ailleurs également musicien. Est-ce un hasard ? Nous allons dans cet article tenter d’établir ce qui pourrait être réalisé en jeu et expériences musicales à l’aide des casques VR.
Les Quelques Concepts déjà mis en place
Le jeu de rythme ou le jeu musical relevant souvent de l’expérience ou de la synesthésie, il n’est pas étonnant de constater un engouement des studios spécialisés dans ce type de softs pour la réalité virtuelle. Une tentative de shooter 3D musical de type Rez a été conçue par le studio suisse Ateo (shinyvr.com). L’esthétique fil-de-fer des cibles rappelle certes le travail de Mizuguchi, à la différence près que l’indicateur de visée est contrôlé par les mouvements du cou. Les environnements tout bonnement psychédéliques rappellent bien évidemment Child of Eden. Viser des agglomérats de petits cubes de couleur en suspension totalement immergé et enveloppé par de la musique électronique relève de l’expérience ludique simple, signe des temps à venir (Shiny est compatible Oculus Rift et Gear VR).
Harmonix Music VR, du studio éponyme, s’annonce réellement intéressant : reprenant l’idée de Winamp il y a quelques années en proposant un environnement graphique enveloppant évoluant avec le son d’un morceau musical, avec quelques phases interactives à l’appui, on peut gager de l’excellente qualité de l’expérience, connaissant les studios aux platines. Une nouvelle façon d’écouter de la musique, sans nul doute, sur PS4, sous immersion.
Toujours sur PS4, le remake kickstarté d’Amplitude, encore par Harmonix promet énormément sous PlayStation VR, en tant qu’expérience de synesthésie (association des sens) : sorte de rail shooter sur plusieurs pistes (chacune correspondant à un instrument différent) où le joueur doit suivre un rythme inhérent à divers morceaux musicaux en tapotant au bon moment. L’immersion totale ne peut qu’apprécier l’expérience.
Imagine all the people dance with Oculus Rift
En l’état actuel des choses, difficile sans doute de conceptualiser un jeu de danse sous VR. Danser avec un casque sur la tête semble en premier lieu délicat, et surtout nécessiterait des mouvements trop abrupts. Just Dance ou Dance Central proposent des modes multi en local, et danser à quatre dans un salon, chacun revêtant un casque VR, s’associe très mal avec du party gaming. Idem pour Rock Band, aussi immersive que puisse être une expérience de jeu sous VR, difficile d’imaginer trois ou quatre individus isolés via casques dans un même endroit, s’adonnant aux joies de la guitare électrique et de la batterie en plastique. Le principe même du jeu social s’effondrerait. Une LAN party sur un FPS serait par contre, toute autre chose, tout comme une partie de Rock Band en ligne…
Car oui, jouer de la guitare devant une salle de concert virtuelle, réagissant à la qualité des riffs du joueur peut être une expérience enveloppante de premier ordre, et Harmonix – pour ne citer qu’eux – s’attelle déjà à la tâche. Créer sa session de rock en ligne, chacun revêtu d’un casque VR semble également concevable, bien plus en tout cas qu’une session en local.
Les jeux conceptuels, eux, seront nécessairement à l’honneur. La synesthésie artificielle, chère à Tetsuya Mizuguchi (Rez, Child of Eden) ou l’association de multiples sens ne peut être que sur-amplifiée par la réalité virtuelle. Interagir avec un environnement de type Child of Eden (ie : déplacer un curseur dans un rail-shooter psychédélique) relèverait du trip vidéoludique quasi-parfait que Kinect peinait malheureusement à créer. Sous Kinect, hormis un léger lag dans la reconnaissance de mouvement, l’expérience sensorielle nécessitait des mouvements du corps réellement plaisants ; cependant l’écran interposé n’offrait bien évidemment pas une 3D enveloppante.
Music Game Design
On peut donc tout à fait se prêter au jeu du game design : imaginons par exemple un soft musical où le joueur devrait déambuler en vue FPS dans un clip des Beatles, de style animation (Yellow Submarine, par exemple). Par reconnaissance de mouvement des mains, le joueur devrait atteindre fleurs, cercles lumineux, animaux en suspension dans l’espace et tout cela en rythme, en suivant un tempo musical. Autre exemple : un jeu de tam-tam dans un environnement préhistorique ; la reconnaissance de mouvement se prêterait tout à fait à ce type de jeu, et tambouriner sur un tam-tam virtuel enveloppé de décors préhistoriques, de danseurs et danseuses vêtus de peaux de bête relèverait du trip musico-virtuel du meilleur acabit. Gageons d’ailleurs que Namco prépare un Taiko Drum Master en VR ou que Sega proposera sous peu un Project Diva avec Hatsune Miku où il s’agira d’atteindre de petites cibles virtuelles multicolores en rythme. Les possibilités semblent aussi infinies qu’il existe de types d’instruments adaptables à la reconnaissance de mouvement…
…ce que Wii Music avait déjà conceptualisé. Imaginons une simulation de chef d’orchestre un instant : le joueur se place dans un environnement virtuel mettant tous ses sens en alerte, menant les divers instruments à l’aide de baguettes (PS Move, par exemple). Un mouvement à gauche et les cuivres lancent leurs mélodies, une pirouette de la main droite et les cordes font sonner trois accords. L’expérience, immersive au casque, sans relever nécessairement du skill, pourrait être extraordinaire ! Imaginons enfin un jeu musical Star Wars où il s’agirait de jouer d’instruments imaginaires, à la manière des « trompettistes » de la cantina de Mos Eisley. Non seulement l’univers de George Lucas en réalité virtuelle serait extraordinairement bien rendu avec une sensation de profondeur et de présence in game, mais les sonorités space opera en audio pourraient satisfaire les oreilles les plus difficiles.
Sous Hololens enfin, un piano sous forme holographique, ou encore une version du jeu Jubeat (Konami) seraient tout à fait adaptables (dès qu’il s’agit de pianoter, ou de tapoter en rythme…). On pourrait conceptualiser une boîte de nuit holographique où il s’agirait de jouer avec l’espace environnant, les faisceaux lumineux, le stroboscope, voire la boule à facettes. Pas vraiment du jeu à scoring… mais plutôt une expérience musicale brève et intense.
« Ceci tuera cela » (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, en référence à la façon dont l’imprimerie réduirait à néant les écrits bibliques des moines copistes ainsi que les édifices religieux) : le VR se présente comme la Révolution annoncée : aux oubliettes Wiimotes et Kinect (ou à la Bastille, c’est selon…) en ce qui concerne les jeux musicaux ! Les possibilités, comme nous l’avons vu, semblent aussi variées qu’infinies.
Une réflexion sur “LE RYTHME DANS L’ESPACE : JEU MUSICAL ET VR”