Chronique : My Lovely Bodyguard, tomes 1 et 2

A l’ouverture de ce webtoon papier, nous apprenons grâce à la deuxième de couverture que My Lovely Bodyguard a été écrit par une Française (la première à publier sur Webtoon !) du nom de Daisy et a été dessiné par Nata, une artiste indonésienne. L’œuvre a fait un petit carton et compte 250000 abonnés et lecteurs en France. Nous comprenons alors pourquoi Les éditions Michel Lafon se sont rapidement emparées de ce succès pour le publier dans leur collection Sikku, au catalogue duquel figurait déjà le sympathique White Blood (lire notre chronique ici). Plus qu’une simple version papier, l’autrice nous indique sur le site Webtoon, que les quatre premiers tomes regrouperont les 54 épisodes de la première saison, entièrement retravaillés (dessins et dialogues), et comportera « 50% de contenu inédit » avec « plus de romance, plus de scènes de Sarah en tant que bodyguard, etc. ». De quoi faire patienter les amateurs de la série en attendant une nouvelle saison prévue bientôt.

My Lovely Bodyguard c’est l’histoire de Sarah, une jeune franco-coréenne élevée par ses deux grands-frères suite à l’assassinat de ses parents. Bien que ces derniers soient hyper-protecteurs, la jeune héroïne âgée de 16ans, est une vraie force de la nature. Lors d’un vol Paris-Séoul, elle vient ainsi en aide à une star de la K-Pop Jaemin, agressée et menacée de mort par une jeune fanatique hystérique. Cette intervention va lancer tout un tas de péripéties et faire naître progressivement, vous vous en douterez, une histoire d’amour entre les deux protagonistes. Si rien d’officiel n’a encore eu lieu à la fin du tome 2, il est clair que c’est dans cette direction que cherche à nous emmener Daisy.

Avec My Lovely Bodyguard, nous sommes donc plongés dans une histoire d’amour dont les prémices sont amorcées lorsque les prestigieuses familles des deux héros choisissent de se rencontrer pour un dîner. Certains personnages présentés sont des plus mystérieux et petit à petit, des secrets de famille font surface. Au fil des pages, l’humour côtoie des scènes graves, la violence flirte avec des moments emprunts de douceur et l’amour comme la mort, hantent nos deux héros. Ainsi, nous sommes ici dans une sorte de récit de vie virant tout de même de plus en plus vers l’enquête policière au fur et à mesure que le deuxième tome avance. L’ensemble est prenant et il faut le dire, on se laisse facilement happer par cette histoire tantôt légère, tantôt grave. Pour l’édition, on peut faire les mêmes reproches que pour White Blood : on regrette l’absence de pages glacées et le rendu des clairs et des foncés passe mieux sur téléphone. Néanmoins, la prise en main est souple et l’ensemble est de qualité. Les dessins sont efficaces, cartonnesques par moments, précis dans les décors mais manquant parfois (volontairement ?) de détails. On sent qu’il faut que cela avance vite tout en gardant toute l’attention du lecteur. C’est un peu comme si on regardait un feuilleton du style « Demain nous appartient » dans lequel il se passe à la fois plein de choses et pas grand-chose, et qui sait très bien donner envie de continuer à regarder à cause, notamment, de cliffhangers à chaque fin de chapitre/épisode.

            Alors on poursuit notre lecture, avec un enthousiasme modéré mais la volonté d’aller voir plus loin ce qu’il va se passer. Et malheureusement, plus on avance, plus nous sommes déçus. Premièrement, les garçons se ressemblent vraiment trop et seuls les traits sous les yeux du père de Jeamin permettent par exemple de l’identifier comme une personne plus âgée. Mis à part notre amoureux transi, les personnages masculins, sont tous bruns et ont des coiffures très similaires. Ensuite, le monde paraît tout petit dans cette série. La rencontre d’un nouveau personnage rime souvent avec découverte de quelqu’un qu’en fait, on connaissait déjà. En outre il y a certaines incohérences dans l’histoire qui cassent notre immersion. Par exemple, au tout début de celle-ci, l’héroïne nous dit qu’elle subissait « la jalousie de certaines filles car les garçons s‘intéressaient à [elle] ». Puis, dans le deuxième tome, elle confie à Jeamin qui a le béguin pour elle que « comme [elle est] métisse, depuis toute petite [elle n’a] eu droit qu’à des insultes comme alien ou monstre ». Au-delà du fait que la maladresse de cette deuxième phrase la rende choquante (placer en complément circonstanciel de cause la couleur de peau comme raison des insultes les rendent presque légitimes et justifiées), elle contredit tout de même le tout début du webtoon. Les garçons s’intéressent à notre héroïne, puis finalement l’ont toujours rejetée et ensuite, de nouveau, Sarah a un succès fou dans sa nouvelle classe. Enfin, et c’est l’un des points les plus déplaisants et récurrents : il y a trop de sexisme dans cette histoire ! Déjà les deux frères de Sarah, sous couvert d’être « hyper protecteurs », privent leur sœur de sa liberté d’agir et de penser. Elle est sans cesse obligée de leur demander l’autorisation de faire quelque chose, que ce soit pour choisir un métier ou sortir quelque temps pour prendre l’air (dans un jardin !). Celle-ci est tellement soumise qu’elle en vient même un moment à s’excuser d’aller se coucher sans faire la vaisselle ! Idem pour la mère de Jeamin qui part se coucher sans rien dire et limite avec le sourire, quand son mari lui intime l’ordre de le faire. Les femmes sont ainsi traitées comme de petites choses fragiles que les hommes doivent protéger. Sarah passe pour quelqu’un incapable de prendre des décisions sensées pour elle-même mais se retrouve tout de même à endosser le rôle de garde du corps pour la star de K-pop, fils du premier ministre (parce que visiblement, aucun garde du corps n’est apte à faire ce boulot). Cela semble à nouveau peu cohérent. Ajoutons à cela un passage aux connotations incestueuses, lorsque Sarah fantasme sur la vision de son frère et de son copain se chevauchant en tout bien tout honneur, et concluons avec cette touche d’homophobie à travers cette question : « J’aime autant les hommes que les femmes, est-ce que je te dégoûte ? » à laquelle Sarah répond qu’elle a juste été un peu surprise mais que, (encore heureux !) cela ne la dégoûte pas.

            Si My Lovely Bodyguard peut donc s’avérer être une lecture agréable et entraînante, les nombreuses maladresses dans l’écriture, la rendent à plusieurs reprises déplaisante. L’héroïne, ayant la prétention de devenir un « bodyguard », n’est en fait qu’une femme fragile, dominée et écrasée par deux frères essayant de contrôler sa vie, dans le sain but de la protéger. En outre, la jeune star de la K-pop, attachante dans le premier tome, devient peu à peu tout aussi insignifiante que sa prétendante. Ma lecture m’a fait aller de déception en déception et personnellement, je n’ai plus envie de suivre ces personnages.

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